13 septembre 2016

Poésie intemporelle



Aujourd’hui la BBC, après nous avoir fait découvrir il y a quelques années la romancière Jane Austen, nous présente 2 films absolument remarquables qui ressuscitent pour nous une nouvelliste devenue romancière (sous l’égide de Charles Dickens) à l’époque victorienne. Ces films très littéraires, dépeignent la société anglaise d’une période de progrès technique orientée vers le progrès industriel, laissant en marge toute une partie de la population que Charles Dickens a brossé abondamment dans son œuvre.
Sans entrer dans une dénonciation d’une société inégalitaire l’auteur célèbre l’humanité de certains personnages notamment des femmes plus sensibles à la détresse humaine.
Oubliée depuis des décennies Elisabeth Gaskell présente dans ces 2 livres deux aspects de la société de l’époque.

Dans son livre « Wives and Daughters » elle évoque deux classes sociales dont une très élevée dans son mode de vie privilégié et l’autre moins aisée parfois jusqu’à la pauvreté. Pourtant il arrive que ces deux populations se rejoignent pour des évènements festifs où la musique et la danse tissent un lien commun entre tous les personnages.
L’un des héros Osborne est un jeune étudiant de l’université de Cambridge, amateur de poésie dont l’ambition est de devenir poète mais qui a bien du mal, même au sein de sa famille, de se forger un avenir professionnel dans cette voie !
Ressentant de plus en plus fort son échec à concilier son métier de poète et son bonheur familial il est conduit progressivement à un état d’angoisse existentiel jusqu’à sa mort prématurée…
Son frère Roger poursuivant une carrière scientifique prometteuse connaîtra un sort plus enviable et plus acceptable aux yeux de sa famille et de la société...

Dans son livre « Nord et Sud » l’écrivain aborde le problème crucial de l’artiste et plus précisément du poète dans une société industrielle très orientée vers le progrès technique au détriment des valeurs humanistes et spirituelles.
Décrivant l’incompatibilité de ces valeurs dans un monde matérialiste elle évoque au début de chaque chapitre la présence intemporelle de la poésie mettant en exergue une citation ancienne latine ou grecque remontant aux sources de la création.

« poeta nascitur, non fit » ou

 « On naît poète, on ne le devient pas »

Et de même le don de savoir allumer un feu ne s’apprend pas !

« Allumer le feu est l’un de mes talents naturels, conclut le frère du personnage Margaret »

Ces propos m’amènent à évoquer les mots d’un poète de plus d’un siècle, Emilie Dickinson qui disait fort justement :

« L’eau s’apprend par la soif »…

Ecrire contre le néant c’est tenter de le déjouer par le langage, combler l’absence par les mots.

« Nous nous habituons à la Ténèbre
Quand la lumière manque
Comme lorsque pour attester son Bonsoir
La Voisine lève la lampe »

Ainsi pour certains êtres la poésie est un souffle vital profondément essentiel.
A ce propos, évoquons les paroles de Joseph Delteil, toujours en quête de nouveaux chemins existentiels, ce désir naissant le plus souvent dans des familles d’esprit aspirant à chanter une autre musique.
Il écrit dans la préface de ses œuvres complètes :

« J’ai confiance qu’il y aura toujours dans le monde une certaine famille d’esprits – rares et baroques – pour se plaire à ma chanson »

Ainsi remontons toujours à la source pour trouver cet élixir…
Ô combien précieux !

M.S


Pierre Sentenac "Car en amont coule la source"
huiles / bois - 1992