18 avril 2013

Paroles de poètes Poètes sur parole


« Un souffle dans les voiles » tel est le lien qui les rassemble à travers l’espace et le temps, au cours d’un dialogue passionné dans un livre publié récemment aux éditions de L’Harmattan :
« Paroles de poètes Poètes sur parole »
titre révélateur de l’engagement de ces 2 poètes Jean-Luc Pouliquen et Philippe Tancelin qui tentent d’apprivoiser le mystère de la poésie et de circonscrire sa place dans une société envahie par les nouvelles technologies et la domination d’une technocratie culturelle.

     Au préalable, comment ne pas évoquer cet intervalle du festival des « Voix-vives » de Sète qui suscite par sa singularité de multiples rencontres autour de la poésie, la mélancolie qui guette les poètes conscients de l’urgence d’impulser un mouvement ascendant au verbe poétique ? Semblable aux vagues de la mer, il s’éloigne dans un monde fermé, soucieux des modes et d’immédiateté…
A Sète, l’imagination et le rêve prennent le pouvoir pour quelques jours seulement, une pause régénératrice que l’on savoure à travers des rencontres poétiques qui résonnent dans les rues et des lieux encore habités par l’histoire !
« La poésie peut et même doit être dite » écrit Jean-Luc Pouliquen et les 2 poètes conscients de la fragilité de sa présence s’accordent sur la nécessité de la mettre en valeur par l’échange du plaisir gratuit des mots…
Prendre le temps d’écouter, se laisser pénétrer corps et âme par cette musique venue d’ailleurs, -un combat provisoire-, insuffler le goût de proférer la parole poétique, élargir le cercle des auditeurs et les solliciter dans leur profondeur secrète, c’est la tache que s’assignent les poètes contre vents et marées, souvent à contre-courant et parfois dans la plus grande indifférence.
Le constat est sévère sur la place accordée à la poésie dans l’espace culturel mais le risque majeur de sa disparition ne peut être envisagé ni par l’un ni par l’autre, tant la poésie leur est vitale. Comme les vagues de la mer, elle est flux et reflux dans l’histoire, et si parfois elle paraît ignorée par l’art officiel sa petite voix est têtue et nous sollicite avec une fulgurance que nous n’attendions plus. C’est l’aventure rêvée mais aussi pleinement vécue des poètes qui partent au large pour la grande épreuve !
Dans un monde qui bouge la poésie est « nomade » affirme Philippe Tancelin et sa nouveauté nous surprend par sa radicalité et ses exigences, un monde ouvert (bien éloigné des discours poétiques) qui s’offre à nous en toute liberté !


     A ces 2 poètes et à tous les poètes de conviction, il est bon de rappeler certains propos de St John Perse « dans son Discours de Stockholm » auquel ils peuvent adhérer et s’y reconnaître dans leur désir de vérité et de transcendance :

« Mais plus que mode de connaissance la poésie est d’abord mode de vie – et de vie intégrale. Le poète existait dans l’homme des cavernes, il existera dans l’homme des âges atomiques : parce qu’il est part irréductible de l’homme… c’est évoquer dans le siècle même une condition humaine plus digne de l’homme originel. C’est associer enfin plus hardiment  l’âme collective à la circulation de l’énergie spirituelle dans le monde… et c’est assez, pour le poète, d’être la mauvaise conscience de son temps. »

Michèle Serre

Complément :- L'illustration de couverture est de Pierre Sentenac

5 avril 2013

Dufay, musicien européen


Les média nous parlent souvent de l’Europe, celle de l’économie, de l’euro, du grand marché… mais ignorent l’Europe culturelle, les grands échanges artistiques qui ont émaillé l’histoire. Aujourd’hui peut-être est-il temps de revenir à la source de ses traditions encore vivantes et de puiser dans ce répertoire foisonnant un espoir de renouveau !

La musique profane et sacrée française qui mène du temps de Guillaume de Machaut au temps de Guillaume Dufay consacre un parcours étonnamment riche et divers. Avant Dufay la chanson est monophonique, après Dufay on assiste à une libération des formes fixes pour celles plus libres de la Renaissance.
La ligne géographique dominante était en quelque sorte un cordon allant de Londres à Rome, elle passait par les Flandres, le Hainaut dont il est natif, la Savoie et Florence. Dufay voyageait vers le sud.
Le Moyen-Age finissant voit se constituer dans les territoires franco-flamands une école de composition qui, jusqu’à la fin du XVIème siècle devait avoir une place primordiale dans la vie musicale de l’Europe. Cette prépondérance alla même jusqu’à conduire les principaux centres musicaux de l’époque à s’attacher les services des chanteurs et d’instrumentistes du domaine franco-flamand.
Dufay se situe au seuil de cette période qui ne devait être remplacée qu’au baroque par l’Italie. C’est le premier musicien européen, grand compositeur, maître de l’isorythmie, également doué en musique profane et sacrée.


Guillaume Dufay (miniature manuscrit 1440)

Son langage musical acquiert une dimension nouvelle. Empreint d’une émotion et d’un raffinement jusqu’alors inconnus, il nous séduit par l’intériorité des sentiments et la fluidité des mélodies.
On note l’influence de l’Italie mais aussi des troubadours qui, dans leurs œuvres ont su exprimer avec naturel et sensibilité leur mal de vivre.
La ballade « Se la face ay pale » a été certainement la chanson profane la plus populaire de son temps :

" Se la face ay pale,
La cause est amer
C’est la principale
Et tant m’est amer
Amer, qu’en la mer
Me voudroye voir ;
Or, scet bien de voir
La belle a qui suis
Que nul bien avoir
Sans elle ne puis.

Se ay pesante malle
De dueil a porter
Ceste amour est male
Pour moy de porter
Car soy deporter
Ne veult devouloir,
Fors qu’a son vouloir
Obeisse, et puis
Qu’elle a tel pooir,
 Sans elle ne puis.

C’est la plus reale
Qu’on puist regarder,
De s’amour leiale
Ne me puis garder,
Fol sui de agarder
Ne faire devoir
D’amour recevoir
Fors d’elle, je cuis ;
Se ne veil douloir,
Sans elle ne puis. "

P.S & M.S



Compléments :
Parmi les interprètes de premier plan qui ont contribué au renouveau
de la musique ancienne (Ars Antiqua & Ars Nova),
dès les années 1960 on peut citer :
_ Disques microsillon 33T

Ars Nova : XIVème siècle
Chansons d’Amour Courtois de Guillaume.de Machaut à Guillaume Dufay
Early music consort of London, Direction: David Munrow  disque EMI C167-0541012  

Ecole Franco-Flamande : XVème siècle
G. Dufay« Messe « Se la face ay pale »
Early music consort of London, Direction: David Munrow  disque EMI C069-05541

dans les années 2000 on peut citer :
_ Compact Disques

G. Dufay« Tempio dell’Onore e della Vertu » Chansons
Cantica symphonia,– CD GLOSSA GCD P31903