9 juin 2013

Rencontre avec St Exupéry III


L’évocation du dernier livre de Toni Morrisson ‘Home’ met en lumière le rôle majeur de la maison dans la vie des êtres humains même chez les plus déshérités. Le lieu c’est le sentiment qui redonne à l’homme une dignité, une fierté salvatrice. Dans ‘Terre des Hommes’, St Exupéry souligne aussi la valeur irremplaçable de ce lieu de mémoire dans la vie humaine et trouve des accents émouvants pour célébrer la maison d’enfance.
Au sens étymologique la maison suggère une permanence, du latin manere (qui reste) jalonnant toute vie humaine d’une présence récurrente.

Pour le narrateur perdu dans le désert, la maison exerce un pôle d’attraction qui génère une rêverie, rêve d’une enfance magique qui le surprend comme une ‘Visitation’, lieu d’ancrage lui permettant de retrouver l’espoir du salut, une raison d’être malgré son insignifiance dans un paysage totalement étranger :

« Je n’étais rien qu’un mortel égaré entre du sable et des étoiles, conscient de la seule douceur de respirer…
Et cependant, je me découvris plein de songes.
Ils me vinrent sans bruit, comme des eaux de source, et je ne compris pas, tout d’abord la douceur qui m’envahissait…
Il était, quelque part un parc chargé de sapins noirs et de tilleuls, et une vieille maison que j’aimais. Peu importait qu’elle fût éloignée ou proche… il suffisait qu’elle existât pour remplir ma nuit de sa présence ! »

Cette sensation de bonheur innocent éclaire la nuit de l’auteur perdu dans le désert en quête d’espérance. Poursuivant ces images réconfortantes, il trace un portrait émouvant de la vieille gouvernante qui se consacrait entièrement au bien-être de tous.

« Ah je te dois bien une page. Quand je rentrais de mes premiers voyages, mademoiselle, je te retrouvais l’aiguille à la main, noyée jusqu’aux genoux dans tes surplis blancs et chaque année un peu plus ridée, un peu plus blanchie, préparant toujours de tes mains ces draps sans plis pour nos sommeils, ces nappes sans coutures pour nos dîners, ces fêtes de cristaux et de lumières »

Ainsi ces gestes familiers sont ennoblis et magnifiés par la mémoire de l’auteur qui valorise le rituel quotidien, à l’image de Vermeer dans le tableau de 'La dentellière'.
Evoquons aussi Baudelaire qui dans un de ses poèmes célèbre
La Servante au grand cœur ’:

« La Servante au grand cœur dont vous étiez jalouse
et qui dort son sommeil sous une humble pelouse
nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs… »

Même désir chez ces 2 écrivains d’honorer la mémoire de ces femmes humbles et dévouées dont la tendresse les environnait et transfigurait leur vie quotidienne.
M.S


Pierre Sentenac

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