28 février 2012

Le vieil érable



Ce fut six heures après notre marche à travers la forêt que nous le vîmes pour la première fois. Le chemin s'était effacé depuis longtemps, deux heures sans doute, et nous nous étions embarqués dans la forêt, presque sans repères, nous frayant un chemin dans le serpentement des terres.
De temps à autre, une empreinte très ancienne assez semblable à celle qu'on découvre dans les grottes, nous indiquait la route à suivre. Et puis, à une trouée plus claire devant soi, à l'alignement circulaire des arbres, nous avons reconnu le signe.

Non loin de là, trois sources d'un jet inégal mais dont la fraîcheur juvénile nous ravit.

Et lorsqu' après nous être longuement désaltérés, nous levâmes la tête pour scruter l'horizon, nous n'aperçûmes pas le ciel mais une haute ceinture d'arbres qui nous écrasait par l'épaisseur confuse de ses frondaisons.
Nous ne tardâmes pas à monter et à le découvrir comme aimantés par son souvenir. Nous n'oublierons jamais l'image du rêve qu'il projeta devant nous. Le cœur serré, nous le regardions, envoûtés par la hauteur de son tronc, la verdeur de son feuillage et son ombre magnifiquement ciselée dans l'éclaircie de la forêt.
Enfin, nous nous approchâmes comme des voyageurs ayant touché leur but après maintes péripéties et nous nous enhardîmes à toucher puis à caresser son écorce, mêlant nos voix à la rumeur étrange de ses vibrations.


 Pierre Sentenac _ illustration: " le Vieil érable"


Il avait grandi là par le plus pur hasard, au milieu des hêtres et des sapins, comme à l'écart de la vie de la forêt et sa solitude étrange nous enveloppait d'un charme indéfinissable. Lui, le nomade, égaré dans cette forêt uniforme, ne resta pas longtemps insensible à notre tendresse et, au contact de nos mains, il tressaillait doucement...
Ainsi nous collâmes notre oreille sur son tronc pour surprendre sa vie rauque et fragile...

Ce fut notre première vraie rencontre mais ce jour-là, il nous fut impossible de mettre le projet que nous avions longuement mûri, à exécution. Rien ne pressait. Plus tard, disions-nous sans nous regarder, conscients de notre lâcheté et de notre désir éperdu de nous immerger dans sa présence toute neuve. Nous restâmes ainsi en sa compagnie jusqu'à une heure tardive de l'après-midi.
Lorsque nous redescendîmes dans la vallée, nous étions fatigués mais heureux. Si heureux de l'avoir trouvé l'Érable légendaire dont le garde forestier nous avait parlé avec une sorte de respect impressionnant!
La pluie s'était mise à tomber et il nous sembla que toute la lumière de l'après-midi nous quittait d'un coup...

La maison était glacée et nous nous réchauffâmes près d'un bon feu, oubliant ce soir-là de pénétrer dans l'atelier où étaient disposées les piles de bois mais aussi toute une catégorie d'instruments à cordes qui avaient piqué ma curiosité lors de ma première visite chez le luthier. C'est elle qui détermina ma vocation même si un épisode beaucoup plus lointain fut à l'origine de mon nouveau métier ...


                                                                                Extrait du livre : Le Vieil érable





« Le vieil érable, les derniers ours  » de Michèle Serre
2 illustrations de Pierre Sentenac

( Livres d’artiste de Collection, fait main, couverture Moulin Laroque, papier moulin ou vergé:
tirages 100 exemplaires numérotés, prix:15Euros )





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18 février 2012

Mémoire double, la poésie et la peinture




Texte de Présentation



                                  Il existe dans notre siècle des œuvres
dites abstraites mais nostalgiques
de la présence de signes évidents.
Nous souffrons tous de cette absence
Innommée.

C’est pourquoi nous habitons
dans certaines œuvres
et ce que nous reconnaissons  d’instinct
dans ces paysages à peine ébauchés,
ce que nous voyons dans ces épures modelées
sont musiques d’espaces étreints,
d’arbres rencontrés
d’oiseaux saisis au vol.

Emergences, résurgences,
Tels sont les actes accomplis
Dans ce rituel de couleurs.

Moments de pure attente …



Pierre Sentenac, Encres/Arche



Autour de la création


De la source


Car en amont coule la source
minuscule dans sa candeur première
L’incorporelle du voyage
qui à tâtons
Cherche ses formes
dans la mémoire du chemin.

                - § -

Formes rigides,
nous commençons à naître
entre ciel et terre
émergeant de la brume
où se trame en silence
Notre désir éperdu de clarté.

                - § -

Cela appelle le bleu
Mer,
Ciel,
Terre dans son miroir
allongée au soleil
Langue de soif
sur mes nuits.

Michèle Serre



Livre:

« Les Ephémères I » de Michèle Serre,
4 gravures de Pierre Sentenac

est disponible aux éditions Le Bien-Vivre
Pour commander cet ouvrage contacter l'adresse mail: lbvmps@outlook.fr  
( Livres d’artiste de Collection, fait main, couverture Moulin Laroque, papier moulin ou vergé:
tirages 100 exemplaires numérotés , prix:19Euros)








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10 février 2012

Les frimas de l'hiver

« S’asseoir sur les rochers, rêver
devant les monts et les flots.
Parcourir lentement les ombrages de la forêt
où demeurent les choses qui n’admettent
l’empire de l’homme,
...
Tout seul se pencher sur les précipices
et les chutes écumantes,
ce n’est point la solitude – c’est converser
avec les charmes de la Nature et voir
ses trésors étalés. »

Cet extrait d’un poème de Byron est l’exergue du Journal champêtre d’Edith Holden, une jeune naturaliste qui nous décrit sous une forme d’almanach la faune et la flore de la campagne anglaise au fil des saisons. Ses découvertes sont rehaussées par des aquarelles reflétant ses connaissances de naturaliste et sa sensibilité d’artiste.
Tous les mois, des proverbes de la sagesse populaire en relation avec le temps et en correspondance avec la vie des plantes et des animaux ainsi que des poèmes de divers écrivains ponctuent les pages.

Aujourd’hui 2 février, jour de la Chandeleur que nous dit-elle ? :

« Beau et clair à la Chandeleur
L’hiver garde sa rigueur
Mais s’il neige et fait du vent
En route est déjà le printemps. »

Rien qui ne nous surprenne aujourd’hui en Europe où une secousse de l’hiver ébranle la nature après un temps assez clément.
Est-ce prémonitoire d’un printemps précoce ou bien l’hiver peut-il encore s’éterniser ? Malgré les progrès de la météo c’est l’incertitude et des oracles contradictoires se multiplient dans les média.
Le froid s’intensifie mais la nature commence à revivre sous nos yeux. Les perce-neige, ourlés de cristaux de givre, exacerbent les premiers rêves de la terre. Le givre, dernier spasme de la nuit d’hiver, cet éphémère de l’aube illumine la terre de sa blancheur stellaire.

«Vint l’Ephémère de l’aube
le givre
Dentelle blanche au col de l’épousée
Ecorce libre de silence. »

Ces instants de contemplation de la nature dans ses métamorphoses, sont les derniers éclats de l’hiver qui nous enveloppe dans ses frimas tempétueux !

Michèle Serre


Pierre Sentenac, gravure les Ephémères



Livre:

« Les Ephémères I » de Michèle Serre,
4gravures de Pierre Sentenac

est disponible aux éditions Le Bien-Vivre,
Pour commander cet ouvrage contacter l'adresse mail: lbvmps@outlook.fr 
( Livres d’artiste de Collection, cousu main, couverture Moulin Laroque, papier moulin ou vergé:
tirages 100 exemplaires numérotés , prix:19Euros)







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